Jean sans Peur l’assassin du Duc d’Orléans…

Jean Sans Peur
Jean de Bourgogne, fils de Philippe le Hardi, s’était lui-même surnommé « Jean sans Peur» suite à ses exploits sanglants à la bataille de Nicopolis contre les Turcs. Il promenait sur le monde un regard méchant et dur, celui d’un homme prêt à tout et sans scrupule. Nouveau Duc de Bourgogne à la mort de son père en 1404, Jean Sans Peur entretient une haine féroce contre son cousin Louis d’Orléans.

Le Duc d’Orléans, frère du roi Charles VI, était un esprit brillant, mais il menait une vie clandestine de débauché. Charles VI qui avait sombré dans la démence depuis 1392 ne s’occupait plus des affaires du pays et la France était gouvernée par un Conseil de Régence, présidé par la Reine Isabeau.


Delacroix-Louis d'Orléans
dévoilant une maitresse
Louis d’Orléans avait la main sur les finances du royaume et les dilapidait avec la complicité de la reine Isabeau de Bavière devenue sa maîtresse.
La connivence entre la Reine et le Duc Louis inspira, à certains, la grande crainte que le frère du roi ne prenne le pouvoir...

Jean Sans Peur ayant perdu de son influence au conseil de régence, redoutait que la reprise des animosités avec les Anglais ne puisse faire péricliter l’activité économique de la Flandre (sa plus riche possession !) car cette dernière était tenue par les échanges commerciaux avec l’Angleterre…

De1405 à 1407, la haine redoubla donc lorsque Louis se vit confier la direction de la guerre contre l’Angleterre.

Jean Sans Peur et Louis d’Orléans entretenaient une animosité tenace et visible : Louis était maître du royaume et Jean voulait le devenir.
Louis avait pris pour emblème un gourdin noueux avec la devise « Je l’ennuie ! », Jean affichait un rabot de menuisier avec les mots « Je le tiens ! »

Mais on pousse tellement les deux hommes à se réconcilier, que ces derniers jouèrent une comédie publique en communiant ensemble lors d’une messe au couvent des Augustins, deux mois avant l’assassinat de Louis.

La reine Isabeau a abandonné l’hôtel Saint Pol, où hurle le roi fou, pour demeurer dans l’hôtel Barbette, belle résidence où fut réorganisé le centre de la vie de la cour. On a longtemps cru que la tourelle (de la fin du XVe siècle) qui fait l'angle de la rue des Francs-Bourgeois et de la rue Vieille-du-Temple était un reste de l'hôtel Barbette; on sait aujourd'hui qu'elle dépendait de l’habitation de Jean Hérouet, grand argentier de Louis XII.
Angle rue Vieille du Temple et
Franc Bourgeois
janvier 2011
Le 23 novembre 1407, Isabeau perdit son douzième nouveau né, Louis vint donc prendre des nouvelles de la reine, lorsqu’une missive urgente arriva : le roi voulait le voir de manière imminente. Il monta en selle et emprunta la rue Vieille du Temple en direction de l’hôtel Saint Pol.

Il ignorait que le message était faux et qu’il était l’œuvre d’un piège tendu par son cousin : Jean Sans Peur.
L’escorte était composée de trois hommes à pied portant des torches, un sur une mule (sans doute Louis) et deux autres sur le même cheval, fermant la marche. Ils avançaient sans hâte, la nuit était déjà tombée depuis longtemps, il faisait noir à ne pas voir sa propre main.

Assassinat de Louis d'Orléans
Un groupe d’hommes armés d’épées, de haches et de massues surgirent des ténèbres que dissipaient à peine les torches de l’escorte, et brutalement se ruèrent sur Louis en criant :
« A la mort ! »
Louis, croyant à une méprise, s’écriât :
«  Je suis le Duc d’Orléans »
« C’est bien ce que nous demandons ! »
répondit Raoul d’Anquetonville, aux commandes de l’opération, et exécuteur coutumier des basses œuvres de Jean.

Ce dernier porta à Louis un premier coup avec sa hache et lui trancha le poignet gauche, alors qu’il tentait de se protéger avec son bras replié à hauteur de tête.
Le cheval effrayé, s’est enfui avec les deux domestiques, parmi les trois autres seul un homme resta sur place pour défendre vainement son maître.
Louis s’écroula, le crâne fendu sur le pavé de la rue vieille du temple, le dernier coup de massue lui fit éclater la tête.
« On lui assena des coups de haches faisant jaillir sa cervelle sur le pavé », (élément rapporté par la plupart des chroniqueurs)
Assassinat de Louis d'Orléans
Les hommes de la bande vérifièrent à la torche l’identité des deux défunt : Louis et son valet, horriblement lacérés.
Le feu fut mis à la maison devant laquelle gisaient les corps. Un moyen de faire diversion et de refouler les domestiques de l’hôtel Rieux qui faisait face à la demeure et qui s’inquiétaient des cris de Janette Griffart, habitante du 2e étage du logement qui hurlait « au meurtre ! »

Tous les tueurs prirent ensuite la fuite en criant :
« Au Feu ! »

Louis fut enseveli le lendemain et son cousin singea un chagrin inconsolable, maudissant même les assassins qu’il avait lui-même commandités…
Funérailles du duc d'Orléans
Mais sa comédie ne dura guère car le lendemain des obsèques, il avouait au duc de Berry qu’il était l’instigateur du crime.
Ce meurtre provoqua une sanglante guerre civile entre les Armagnacs, nom attribué aux partisans de la famille d'Orléans, et les Bourguignons ralliés au duc Jean.

C’est entre 1409 et 1411 que Jean sans Peur décida de modifier l’hôtel parisien des ducs Bourguignons qu’il occupait, en faisant élever une tour de 27 m de haut, afin d’embellir son hôtel particulier. Cette dernière offrait la plus belle vue sur la capitale et elle était dotée de latrines chauffées.

On a longtemps attribué cette tour à la paranoïa du duc qui souhaitait se protéger, mais l’objectif de cette construction était plutôt d’affirmer sa puissance. Selon l’archéologue et directeur de la tour, Rémi Rivière : « Les mâchicoulis sont purement décoratifs. On a jamais vu de tour militaire avec autant de fenêtres ! Jean sans Peur était l’un des hommes les plus puissants du royaume, donc d’occident. Cette tour d’escalier était en fait destinée à montrer sa force. »

Tour Jean Sans Peur
L’hôtel fut détruit par François 1er en 1543, aujourd’hui la tour est le seul vestige qui existe encore et sa voûte au décor végétal est considérée comme une oeuvre majeure de la sculpture française.

La visite est possible au 32, rue Montorgueil dans le 2e arrondissement.
http://tourjeansanspeur.pagesperso-orange.fr/


3 commentaires:

  1. Bonjour et bravo pour cette idée géniale de blog sur les aspects médiévaux (parfois bien cachés de nos jours)de Paris ! Sur le thème du moyen-âge, j'ai également construit un blog qui pourrait vous intéresser. En voici le lien : http://chateaux-de-belgique.blogspot.com/

    RépondreSupprimer
  2. C'est mal connaitre l'histoire de la Bourgogne et de ses ducs que de prétendre que Jean sans Peur "promenait sur le monde un regard méchant et dur, celui d’un homme prêt à tout et sans scrupule". Cela frise le ridicule type Lorant Deutsch prenant partie pour la royauté française. Votre blog est bien sympathique mais attention aux prises de positions historiques de M. tout le monde... Cordialement

    RépondreSupprimer
  3. @Anonyme : "attention aux prises de positions historiques de M. tout le monde ..." Je vais vous en "servir une émanant du grand historien Jacques Bainville :

    "Loin d'assimiler la Flandre, la Bourgogne fut aspirée par elle. Cette Flandre, elle était plus que réfractaire : elle conquérait qui croyait l'avoir conquise. Ainsi la maison de Bourgogne, par ses possessions flamandes, s'écartera de plus en plus de la France. Elle en deviendra une des pires ennemies avec Jean San Peur et le Téméraire".

    Car la lutte entre Louis d'Orléans et Jean Sans Peur anticipe celle menée par Louis XI contre le Téméraire ... Il fallait arrêter quand il en était encore temps la croissance de la Maison Valois de Bourgogne ... Louis d'Orléans eût-il disposé de la plénitude du pouvoir que cette croissance aurait été arrêtée ... C'est bien pour cela (et pour le MALHEUR de la France) que Jeans Sans Peur a fait assassiner (MASSACRER bien plutôt) Louis d'Orléans ... Pourtant, la paternité de ce que l'Histoire reconnaît à Louis XI revient en fait au duc d'Orléans ...

    RépondreSupprimer