L’homme médiéval consommait 2 à 3 Litres de vin par jour, mais il faut noter que la teneur alcool était bien plus faible qu’aujourd’hui (7 ou 8° maximum). À leur décharge, l’eau était presque toujours polluée, les gens n’ayant guère le choix, ils consommaient des boissons fermentées.
Les médecins de l’époque
jouaient un rôle non négligeable dans l’augmentation et le rythme de la
consommation. Arnaud de Villeneuve, médecin et théologien prétendait que :
« le bon vin sert de médecin »
Un verre de vin réconfort des malades, Chapelle Saint Antoine à Clans (06) Fresque, fin du XVe siècle |
Les médecins reconnaissaient
également des vertus à l’ivresse, préconisant se s’enivrer régulièrement
jusqu’à deux fois par mois… en venaient même à conseiller le vin en cas de
fièvre, il était aussi donné comme substitut au sang perdu par une femme venant
d’accoucher ou encore permettait de combattre l’arthrite, la chute des cheveux…
Sans oublier l’effet psychotrope afin de lutter contre la mélancolie… On mettait seulement en garde contre l’ivresse (coma éthylique) mais pas encore contre
l’alcoolisme.
Cette prise de conscience fut réellement effective au XVIe siècle
La bible, plus sage, vante
les vertus du vin, mais n’oublie pas de rappeler le côté nécessaire de la
modération. Les passages de l’ecclésiastique sont éloquents :
« Avec le vin ne
fais pas le brave, car le vin a perdu bien des gens. (…) Le vin c'est la vie pour
l'homme, quand on en boit modérément.(…) Il a été créé pour la joie des hommes.
Gaîté du cœur et joie de
l'âme, voilà le vin qu'on boit quand il faut et à sa suffisance.(…) L'ivresse excite la
fureur de l'insensé pour sa perte, elle diminue sa force et provoque les
coups. »
Même si l’ivrogne était
montré du doigt, son péché restait bénin dès lors que le saoulard avait
simplement sous-estimé sa résistance à la boisson. Le péché devenait mortel si
ce dernier était coupable d'enivrement invétéré, passant son temps à la taverne
en s’y ruinant, condamnant de ce fait sa propre famille à la misère.
Malgré la réalité sociale de
l’époque, les moralistes s’évertuaient à considérer la taverne comme
l’anti-chambre de l’enfer et la considéraient comme un véritable lieu de
perdition.
Au XVe siècle , Paris compte
plus de 200 tavernes, voici quelques extraits choisis d’un poème du recueil de
Carmina Burana afin de vous faire une idée de l’ambiance :
qui se dresse sur la
place du marché
et que votre œil soit
attiré
par un visage rubicond à
l’intérieur,
les camarades vous
crient :
« c’est une agréable
auberge ici… »
(…)
Les compères vident
Des bouteilles entières
(…)
Ils sortent de la taverne
en titubant,
tombent dans les fossés
pleins de cresson… »
Dits et Faits mémorables, de Valère Maxime, vers 1475 |
Les tavernes étaient situées
près des portes de Paris et autour des places, leur signe distinctif était le
rameau de verdure et le cerceau joint à l’enseigne. Elles disposaient d’une
grande salle commune garnie de tables et bancs et parfois aménageaient une
chambre pour loger le voyageur épuisé (ou bien cacher les plaisirs
illégitimes).
Grâce au poète François
Villon, nous pouvons localiser le souvenir des tavernes parisiennes en vogue à
cette époque.
« La pomme de pin » dans l’ancienne rue de la juiverie aujourd’hui rue de la cité (au cœur de l’île du même nom) François Villon l’appelait « le trou de la pomme de pin » et qualifiait cet endroit de « clos et couvert ». probablement la meilleure taverne de la capitale car la ville de Paris y achetait le vin qu’elle présentait lors des cérémonies d’accueil aux souverains (les joyeuses entrées !).
« L’image de Notre
Dame » au coin de la rue aux ours et de la rue Saint Denis.
Cette dernière était représentée avec un coup de couteau planté par un ivrogne
ayant perdu au jeu son argent et ses vêtements.
Aujourd’hui Paris 4ème
« La Chasse » (Porte Baudoyer)
Cette porte se situait au croisement des rues François Miron et du Pont Louis-Philippe. La famille Turgis qui possédait « la pomme de pain » était également propriétaire de cette taverne.
Cette porte se situait au croisement des rues François Miron et du Pont Louis-Philippe. La famille Turgis qui possédait « la pomme de pain » était également propriétaire de cette taverne.
Le « Grand
Heaulme » et le « Petit Heaulme » (Porte Baudoyer)
Autour de la place de Grève
(actuelle place de l’hôtel de ville) beaucoup de cabarets étaient bien
achalandés, il s’agissait de l’endroit de passage des charrettes de condamnés
importants en passe d’êtres exécutés. Un haut lieu de divertissement pour les
Parisiens de l’époque ! C’est au « Grand
Godet » qu’il fallait se retrouver dans ce secteur, on croisait les paresseux
surnommés les « écoliers de Grève » et les plus gros buveurs étaient
appelés les « notables chanoines de Grève »
La « Crosse » rue
Saint-Antoine était un lieu que fréquentait François Villon.
Aujourd’hui
Paris 5ème
La « Mulle » rue Saint jacques autre lieu que le poète François Villon a pu fréquenter afin de préparer un vol au collège de Navarre en compagnie de ses complices.
Aujourd’hui
Paris 10ème
Nobles et Bourgeois
n’avaient pas la contrainte de passer par les commerçants.
Chaque année, suite aux
vendanges, le roi acheminait son vin à Paris et chaque tavernier recevait une
quantité fixe à revendre.
Des jaugeurs effectuaient
des contrôles sur la contenance des tonneaux afin d ‘éviter la fraude.
Deux jaugeurs valaient mieux qu’un, car si le deuxième trouvait un résultat
différent, il fallût faire appel à un troisième afin de parvenir à la
conclusion d’un des deux premiers.
Le pot de vin (en étain ou
en terre) avait une quantité calibrée et fixe d’environ un litre. Le pot était
placé en rafraîchissoir car on aimait le vin très frais à l’époque.
Les crieurs avaient un rôle
que l’on pourrait qualifier de rabatteur mais il était obligatoire :
soumis à la réglementation et à la taxe du roi.
Ils étaient eux-mêmes
responsables devant le prévôt des marchands de l’application des règles de
vente du vin (saisir les fausses mesures des pots, les mélanges hasardeux et
infliger les amendes).
Afin d’éviter toute
connivence avec le tavernier, il était interdit d’avoir son crieur attitré, ce
dernier après avoir effectué les contrôles d’usage, sortait dans la rue avec un
broc et une tasse (ou hanap) afin de proposer des échantillons aux passants. Mais cela n’empêchait aucunement de vendre du vin médiocre, à condition de respecter le tarif et le
cadre légal…
La taverne n’est pas un lieu
exclusivement réservé aux hommes, les femmes la fréquentaient et buvaient entre
elles : En page annexe, Le Fabliau des trois Dames de Paris nous
l’illustre fort bien.
Beaucoup de tavernes
accueillaient leurs clients après le couvre feu de Notre Dame, (bien qu’une
ordonnance de 1350 l’interdisait) et le fait de boire ne constituait pas la
seule occupation en ces lieux.
L'ivresse féminine, Watriquet de Couvin, Le dit des trois dames de Paris, France, vers 1320 |
Les jeux de hasard (souvent
impliquant les dés) avaient leur place et les jeux d’argent aux mises modérées
convenaient très bien aux clients modestes qui peuplaient la taverne. C’était également un endroit propice aux menus prêts de piécettes…
Mais on pariait principalement
sur qui payera la prochaine tournée !?
La taverne pouvait
accueillir les ébats illégitimes, mais les buveurs y venaient aussi pour
conclure des affaires, discuter, c’était un vrai lieu de sociabilité.
Le fait de boire n’étant pas
un plaisir sans risque, l’ivresse pouvait engendrer des rixes mais il
apparaissait que moins de 15% des homicides étaient dus à l’état d’ébriété du
coupable ou de la victime.
La taverne semblait donc
être entourée d’un certain respect, les injures et les gestes violents se
déchaînaient plus volontiers à l’extérieur de l’établissement…
Je terminerai ce post, avec
une citation des prédicateurs de l’époque au sujet de l’homme ivre
« Il lui semble voir ce qu’il ne voit pas, il lui
semble que sa maison tourne et s’enroule sur elle-même… il ne sait plus se
servir de sa langue, il ne sait pas parler, il ne sait pas ce qu’il dit, il
balbutie, il se précipite, il tronque, il coupe les mots… il chancelle, il
titube et comme un porc, il aime se vautrer dans la boue. »
Un discours qui n’a pas pris
une ride…
Le vin au Moyen Age (11
avril / 11 novembre 2012)
[VIDEO] Le vin au Moyen Age par Danièle Alexandre-Bidon
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